DARK LUNACY RPG
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ROB 31/03/2023

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ROB 31/03/2023 Empty ROB 31/03/2023

Message par Rob Dim 2 Avr - 12:16

E2 – aux environs de 13h, lieu inconnu, Merlin
Attention, passages violents avec des descriptions sans beaucoup de censure

--- TW : violence ---
Tuer.
Elle allait la tuer, la torturer, l’étriper.
Elle voulait que ce rire se taise. Elle n’avait pas le droit de rire.
Merlin s’élança à nouveau sur son double et parvint à l’attraper. Ses mains s’étaient recouvertes d’encre insondable, prenant la forme de griffes effilées. Elle ne les contrôlait pas. C’était leur volonté. Elle était leur volonté.
Elle haïssait se sourire. Qu’il disparaisse.
Ses griffes saisirent les mâchoires de Nida.
Elle n’avait pas le droit de sourire.
Elle tira. Sentant les os de la mâchoire craquer, les ligaments se tendre, la peau se déchirer. Tirer, tirer, tirer. Le sang avait envahi la bouche de Nida, en même temps qu’elle laissa échapper un son entre le gargouillement, le rire et le hurlement.
Elle n’avait pas le droit de rire. Tirer, encore, c’était pas assez.
Ses griffes forcèrent sur les os de son double. Le craquement s’étendit. Nida décida de contre attaquer. Elle enserra le cou de Merlin d’un tentacule noir et l’éloigna de force de sa victime. Juste avant d’être éloignée, la semi-démone put voir son œuvre. Une mâchoire presque arrachée, le menton pendant misérablement, se raccrochant aux quelques ligaments qui le maintenaient encore au reste du visage. Merlin ratterrit lourdement dans le brouillard d’encre et se remit à chercher sa victime. Elle entendait son rire au loin. Elle s’était sûrement soignée. Ce simple son parvenant à ses oreilles accentua encore la rage qu’elle avait à son égard.


_____________________



Un autre bruit revenait. Une voix. Incompréhensible.
Parasite.
Parasite parasite parasite.
Elle se prit la tête entre les mains, se boucha les oreilles dans l’espoir que ça fonctionne. Mais rien.
- Tais-toi… Tais-toi, TAIS-TOI !
- On a des hallucinations maintenant ?
La voix. Elle était proche. Merlin se jeta immédiatement sur sa source et lui déchiqueta la gorge.
- C’est toi hein ?! C’est toi le parasite dans mon cerveau hein ?!
Pas de réponse.
- TOUT EST DE TA PUTAIN DE FAUTE NIDA, ALORS RÉPONDS !
Un gargouillement lui répondit. Merlin relâcha sa gorge et Nida s’empressa de se soigner. Un sourire narquois se glissa sur ses lèvres.
- Je peux pas te répondre la gorge déchiquetée tu sais ? Et sinon c’est pas moi. Mais ça donne du piquant, cool nan ?
Sa voix. C’en était trop. Elle abattit ses griffes sur son visage et tira, déchirant ses tissus sur son passage. Arrivée à sa bouche, Nida lui envoya un violent coup de pied dans les côtes, envoyant rouler Merlin à quelques mètres d’elle.
- Tu peux pas attaquer autre chose que mon visage ? Ça devient redondant…
Encore cette voix parasite. Faites la taire. N’importe qui. Merlin se jeta à nouveau sur Nida dans un nouvel assaut.
Non !
Elle s’arrêta, avec une seconde de retard. Des coupures parsemaient son corps, pendant que ses griffes s’enfonçaient dans l’abdomen de son double.
Elle connaissait cette voix. Elle connaissait ce timbre. Qui c’était ?
D’autres phrases.
De plus en plus distinctes.
Toujours cette voix.
Celle de Nida se mêla à celle-ci.
Le bruit dans la tête de Merlin ne voulait pas s’arrêter, et son double non plus. Hurlant, elle se jeta à nouveau sur Nida et la fit taire en lui arrachant presque la gorge.
Elle ne voulait plus de bruit, que du silence.
- TAISEZ VOUS, TAISEZ VOUS TOUS !
La vue de Nida lui rappela sa rage lui tordant le ventre. Elle devait payer. Quelles qu’en soient les conséquences. Les doubles s’attaquèrent mutuellement.

Il y avait toujours cette voix. De plus en plus distincte.

--- Fin de TW ---
__________


Krrrrk.
Besoin- faire – ça-
Fsshhhht- krrrrrk


Si elle en avait besoin. Elle la haïssait, elle méritait cette haine, elle méritait ces blessures.


___________


Fsshhhhhht- souviens- humanité-

Se souvenir de quoi ?
Rire.
Elle n’était qu’un monstre.
Elle n’avait toujours été qu’un putain de monstre bon à tuer.

____________


Désol- fshhhhht- abandonné- krrrrrrrk-

L’abandonner ? Qu’est-ce que ça changeait ?
Est-ce que ça lui ramènerait maman ?
Non.

_____________


Perds- krrrrrrk- humanit-

Quelle humanité ?
Quelle once d’humanité elle avait ?
Elle regarda le visage fou ensanglanté qu’elle avait devant elle. C’était elle qui avait fait couler tout ce sang. C’était elle qui avait gravé ces plaies dans sa peau. C’était elle qui avait marqué de ses griffes son corps.
Et elle en avait retiré satisfaction.
Elle en voulait encore.
Merlin continua de déchiqueter la moindre parcelle de peau passant à sa portée. Soudain, un tentacule l’envoya rouler à quelques mètres pendant que Nida se soignait tant bien que mal. Non. Elle devait souffrir. Souffrir toujours plus, souffrir jusqu’à plus en pouvoir. Elles créèrent également un tentacule, Merlin s’en servant pour la frapper le plus violemment possible au niveau de la poitrine. Merlin vit immédiatement l’expression de douleur pure apparaitre sur son visage. Le délicieux son de ses crachotement et de sa respiration sifflante parvenait à ses oreilles alors qu’elle avançait.
--- TW : violence ---
- Tu veux toujours jouer ?
Fsshhht- u ne vas to- même pas m- tuer- krrrk
Sourire enfantin au milieu du sang.
- Le jeu ne finit jamais Merlin-
Krrrrrrk- esprits- fsshhhht- supplie- tue- krrk- pardonneras jamais-
- J’vais me gêner.
Elle enfonça ses griffes dans l’estomac de Nida, puis tourna sa main encore dans ses entrailles avant d’agrandir la plaie. Dans le même instant, Nida matérialisa une petite lame qu’elle enfonça dans l’épaule de Merlin avant de tirer vers le bas, lui sectionnant presque le bras. Elle retint un hurlement et s’éloigna, plaquant sa main sur la blessure sanguinolente.
--- Fin du TW ---
BRÛLE.

Deux hurlements s’élevèrent en même temps, puis rien. Une odeur de viande brûlée parvint aux odorats des doubles. Leurs corps étaient brûlés. Intégralement. Un éclair bleu venait de les traverser, cramant la moindre cellule sur son passage. Les doubles restèrent plusieurs minutes immobiles au sol, paralysées par une douleur sourde, allant et venant au rythme de leurs battements. Merlin se mit se le dos tant bien que mal, et tenta d’entrouvrir ses yeux, caché par des paupières brûlées. La marque avait disparu, ses iris redevenus rouges. Il n’y avait plus de brouillard noir. Elle vit une silhouette s’approcher. Elle était floue, parfois disparaissait puis réapparaissait. Une image d’un autre monde.
- Ma- maman ?
Le son rauque sortit de sa gorge calcinée, en même temps que l’eau salée de ses larmes coulait sur sa peau, traçant une fine ligne de brûlure. La silhouette s’approcha encore, s’agenouillant. Merlin réussit à distinguer une fourrure bleue, ainsi que des yeux rouges.
A qui c’était déjà ? Cette apparence lui disait quelque chose.
- Merlin... Je t’en prie, écoute-moi. Je sais que tu n’es pas toi-même en cet instant... Il faut que tu parviennes à reprendre le dessus. A redevenir celle que tu es vraiment : Une jeune fille adorable qui mérite qu’on l’aime et qui possède un cœur en or. Je sais que tu as vécu des choses effroyables. Je sais que je n’ai pas été là pour toi... Mais je suis là désormais et je ne t’abandonnerai plus jamais, c’est une promesse.
Cette voix.
C’était celle de tout à l’heure non ?
Qui était-elle pour débiter de tels mensonges ?
Pas elle-même ? Elle n’était pas elle là ? Et reprendre le dessus sur quoi ? Nida ? C’était ce qu’elle faisait déjà non ?
Une fille adorable.
Une esquisse de rire étranglé sortit de ses lèvres.
Maman disait souvent ça aussi. Avant qu’elle ne meure.
- Tu n’es pas seule dans ce que tu traverses Merlin. Il y aura toujours des personnes pour t’épauler... Parce que c’est avant tout ce que nous sommes, ici, à la Dark Lunacy : une grande famille composée de gens qui n’ont pas eu de chance dans leur vie. Chacun d’entre nous a souffert d’une manière ou d’une autre et c’est pour ça que nous serons toujours là pour nous entraider. Mais pour cela, il faut que tu reviennes à toi... Tu ne le fais pas exprès, peut-être même n’en as-tu pas conscience... Mais tu es en train de nous attaquer. Tu essaies de nous blesser. Pour l’instant tout le monde va bien…
‘‘Dark Lunacy’’
Ce nom lui fit l’effet d’un électrochoc.
Tempora.
Elle, attaquer Tempora ?
Non.
Non elle voulait pas. Elle voulait pas la blesser.
Elle ne voulait que tuer Nida.
Elle voulait tuer Nida et disparaitre, elle et sa haine, avec son double.
C’était impossible pas vrai ?
Sur sa peau, elle sentait une vague de froid la parcourir, soulageant la douleur. La marque était revenue sur son visage.
Dans le coin de sa tête, elle les sentait demander encore. C’était elles qui les attaquaient ?
Où Merlin elle-même ?
Elle ne voulait plus courir ce risque. La présence se fit de plus en plus violente, tandis qu’une autre se fit sentir.
Elle entendait le son étouffé de ses pas à côté.
- Merlin ? Tu veux plus jouer ?
Merlin se recroquevilla et prit sa tête entre ses mains. La colère était encore là, pulsant dans ses tempes, lui ordonnant de se laisser aux voix dans sa tête.
- Tout le monde va bien cependant ça ne durera pas longtemps si tu continues. Ta famille est en danger et nous avons besoin de la véritable Merlin pour faire face. Je sais que tu es capable de lutter. Je ne sais pas ce qu’il t’arrive, mais tu es forte, tu arriveras à triompher de cette épreuve. Reviens à nous, je t’en supplie...
Les voix étaient de plus en plus fortes dans sa tête, lui hurlant de lâcher prise encore. Elles se mélangeaient avec Tempora, la faisaient disparaître dans un voile noir. La présence finit par écraser sa tête, Merlin poussant un hurlement de douleur et fermant les yeux.
Quand elle les rouvrit, il n’y avait plus qu’un brouillard noir et Nida. Celle-ci l’avait attrapée par le cou et relevée de force.
- Laisse-moi en paix.
- Toi ne me laisse pas.
Merlin se faisait violence pour faire abstraction de son environnement et se concentrer. Ce que lui avait dit Tempora était vrai ? Elle les avait vraiment attaqués ? Comment elle avait pu venir jusque-là ? Rien n’y faisait, la présence enserrait toujours son crâne, Nida la tenait toujours par le cou. Le brouillard noir était toujours là. Elle fixa son double dans les yeux, au bord des larmes.
- Laisse-moi partir…
Nida fixa les yeux de Merlin et souffla, la voix tremblante.
- Bon bah j’imagine que la partie est finie. Hein ?
Hochement de tête.
- Il n’y a que toi qui pourras faire ça. À tout de suite, Merlin.
Celle-ci sentit la main sur sa gorge relâcher son emprise et le décor s’effacer autour d’elle.

______________


Chaos.
C’était le chaos.
Les flots avaient envahi le bois, comme les ténèbres avaient envahis sa peau. Elle eut tout juste le temps de voir une silhouette tomber à l’eau et de désactiver ses ténèbres qu’elle sentit une orbe d’énergie percuter son épaule.
C’était elle qui avait fait tout ça ? Elle était vraiment devenue l’ennemie ?
A peine son pouvoir désactivé, elle sentit la réalité revenir dans sa brutalité. Elle poussa un hurlement cassé, en même temps que ce qu’elle devait recevoir s’abattait sur son corps. La douleur irradia chaque parcelle de son corps, lancinante. Elle sentit un liquide couler sur son corps et s’échapper de ses lèvres, coupant court à son hurlement. Lentement, elle se sentit basculer vers les flots. Son corps n’était plus en état de rien faire, chaque muscle, chaque articulation lui hurlait sa souffrance. Au contact du froid et du sel, elle voulut hurler de nouveau, mais fut retenue par les flots envahissant sa bouche. Le sel sur ses plaies fantômes accentuait encore leur existence. Avec horreur, Merlin se sentit partir à nouveau. Non, elle voulait rester, elle voulait savoir ce qu’elle avait fait. Elle ne voulait plus glisser dans les bras des ténèbres.

Le monde passa du bleu s’assombrissant au rouge éclatant.

__________

- T’es de retour.
Encore elle, encore ce rouge, encore ce monde.
______________

Elle était revenue, mais visiblement pas pour jouer.
- Tais-toi Nida.
Pourquoi elle devrait se taire ? Alors qu’elle avait l’occasion de lui parler ?
- Tu m’en veux tant que ça ?
Soudain, elle se jeta sur elle. Les doubles basculèrent, Nida fixa les yeux de Merlin dans un espoir de jeu, qui fut vite remit à sa place. Bien rangé pour plus tard. Mais elle n’aimait pas le rangement. Le regard de Merlin la dissuada de la moindre action. Un océan rouge où se noyaient un maelström d’émotions violentes.
- Tu ne peux même pas imaginer ce que tu m’as pris, toi et ta foutue obsession. Tu voulais me faire vriller ? Parfait t’as réussi à jouer à tes jeux tordus. Maintenant laisse-moi en paix Nida.
Merlin la lâcha et s’éloigna, laissant Nida seule.
Et elle ? Qu’est que qu’elle avait seulement eu pour pouvoir savoir ce qu’elle lui avait arraché ? Hein ? Pourquoi ses jeux étaient tordus ? Ils étaient tels qu’ils étaient, adaptés à sa créativité, à l’adrénaline qu’elle voulait ressentir.
Pourquoi elle se remettait en question comme ça ?
Avant c’était plus simple, elle ne se posait pas de questions, elle suivait le rythme de ces créatures noires. Pourquoi c’était si compliqué de jouer avec quelqu’un ? Nida souffla de frustration en se redressant. Elle ne savait pas ce qui lui arrivait, et c’était frustrant. Cette poigne qui lui enserrait l’estomac, c’était pas Elles. En parlant d’Elles… Le sol sous ses pieds se transforma en une boue noire fraiche. Rien ne venait troubler la stabilité d’Elles.
- Qu’est-ce qu’elle a Merlin ?
Une onde ronronnant parcourut la boue. Elles voulait bien lui répondre.
- Et ça fait quoi les gens dans ce genre de situation ?
Nouvelle réponse.
- Raaaaah mais je sais pas faire ça moi !
Nida s’ébouriffa les cheveux et le laissa tomber dans la boue. La fraicheur d’Elles lui faisait du bien, calmant ses muscles. Comment ça, Merlin s’en voulait ? Ça voulait dire quoi ça encore ? Pourquoi s’en vouloir de jouer ? C’était ça qu’elle lui reprochait ?
- Dis…
Ronronnement.
- Pourquoi je pose ces questions ?
Nouveau ronronnement.
- Je m’en veux ?
C’était ça s’en vouloir ? C’était cette sensation désagréable dans le creux de l’estomac ? Comment on la faisait disparaître ? Elle devait peut être aller la voir non ? Mais pour lui dire quoi ? Elle voulait juste jouer avec elle, passer le temps long de cet espace, peu importait les blessures de l’une ou de l’autre, de toutes façons Elles les soignait. Mais là, Elles ne pouvait pas la soigner apparemment. Comment on soignait une blessure qu’Elles ne pouvait pas soigner ?
Pourquoi elle voulait la soigner déjà. Parce qu’elle s’en voulait sûrement. Déjà, ça c’était répondu.
Et ensuite ? Comment la soigner ? Toujours cette question, elle ne trouvait pas de réponse, c’était rageant. Grognant un peu, Nida souleva ses bras et les rabattit avec force sur le sol. Celui-ci redevint rouge juste avant l’impact. Une onde parcourut la boue.
- Ouais je sais désolée de pas avoir prévenu, mais c’est chiant de réfléchir. Comment je peux la soigner ? Je lui propose de jouer ? A mon avis elle sera pas giga partante pour une nouvelle partie. En même temps j’ai jamais fait autre chose que ça…
Ronronnement.
- Pourquoi la soigner ? Pour pouvoir jouer encore non ?
Elle ne disait pas toute la vérité à Elles. Elle sentait cette réponse incomplète. Agacée par tant de réflexion, elle se leva et alla chercher Merlin. Elle préférait largement l’action à la réflexion. Ses pieds avancèrent sur la boue froide frémissante. Bientôt, la boue disparu et elle l’aperçut, seule dans son coin, fixant un point invisible. Elle ne lui lançait pas un coup d’œil, semblant complètement ailleurs. S’approchant encore, Nida put percevoir le tremblement de ses membres, ses yeux humides et vides.
Elle n’avait jamais vu sa moitié comme ça. Tout à cause qu’elle ?
- Je- Merlin ?
Pourquoi elle devait bégayer ? Pourquoi sa voix semblait aussi faible et calme ? Elle qui était tout le temps énergique et joueuse d’habitude ?
Elle leva des yeux fatigués de la voir vers la semi-démone. Le silence s’étira. Nida s’approcha encore et s’accroupit près de son double.
- Tu m’en veux tant que ça ?
Hochement de tête. Déjà elle voulait lui répondre, c’était une petite victoire. Mais, pourquoi elle se félicitait autant d’une réponse ? Avant c’était pas comme ça, avant elle pouvait jouer quand elle voulait.
- Tu sais…
Elle fixa un peu le sol rouge à ses pieds en soufflant. Elle était dans son domaine, dans son territoire, son terrain de jeu, sa maison. Alors pourquoi tant d’appréhension, et tant d’inconnu ?
- J’aurai vraiment aimé jouer avec toi sans en arriver là.
Par réflexe, Nida invoqua Elles et leur demanda de tapisser le sol devant elle. La semi-démone se mit à tracer ce qui lui passait par la tête devant elle, ses doigts découvrant le rouge caché par le sable noir.
- Mais bon, j’imagine que tu m’aimais pas avant déjà. Et maintenant tu me hais pas vrai ?
- Oui.
Sa voix aurait pu facilement la trancher en petits morceaux. Très petits morceaux. Voire en viande hachée direct.
- Aïe, au moins c’est direct hein…
- Tu me veux quoi encore.
- Je peux même plus venir te voir ? Je suis vexée tiens.
Pas de réponse. Nida rappela Elles et s’assit par terre.
- Tu veux pas me dire ce qui ne va pas chez moi ? J’ai pas envie que tu me haïsse.
- Je t’ai déjà dit. Tout. Et c’est trop tard.
- Faux, si c’était le cas tu m’aurais totalement ignorée.
Le silence s’étira.
- … Je suis si détestable que ça ?
De toutes manières, elle le serait toujours pour au moins quelqu’un. Mais si elle pouvait l’être un peu moins pour quelques personne, peut-être qu’on accepterait de jouer avec elle ?
- Ils ont un problème mes jeux ?
Hochement de tête.
- Mais je m’amuse dedans…
- Justement c’est ça le problème, tu es la seule à t’amuser.
- …
Elle n’arrivait pas à saisir. Qu’est-ce qu’elle n’aimait pas ? Comment ne pas aimer les shots d’adrénaline procurés par le danger venant vers elle ? Puis, si elles étaient blessées, Elles allait les soigner. Non ? Elle ne la comprenait pas, et vice versa visiblement.
C’était rageant, tout ça. Tout était nouveau, jamais Merlin n’était restée aussi longtemps ici, jamais elle n’avait autant cherché à la comprendre. Pourquoi tout ça maintenant ? Pourquoi tout en même temps ? Avant, c’était tellement simple, elle ne voulait que jouer, avec Merlin, peu importaient ses états d’âme. Elle voulait juste sortir, jouer avec le plus de nouveautés possibles. Pourquoi elle se compliquait la tâche maintenant ? Ça ne serait pas plus simple de faire comme avant ?
Non.
Elle devait admettre que les règles du jeu avaient changé.
______________

Elle sentit une vague de chaleur la parcourir, un frisson désagréable. Autour d’elles s’étala Elles, telle la surface d’un lac d’encre. Elle leva les yeux et entraperçu un gosse, les cheveux bleus et dans un sale état. Sa tête lui disait vaguement quelque chose, une rareté. Visiblement, Elles et le lieu ne voulaient pas de lui, si elle en croyait les douleurs lancinantes lui traversant le crâne. Le garçon s’approcha d’elles, ne prenant pas garde à Elles. Nida se tourna vers Merlin, semblant à peine consciente. Elle ne savait pas ce qui causait son état, elle était comme ça depuis un moment. Elle le sentit se rapprocher toujours plus, retournant la tête, elle plongea ses yeux dans son regard noyé par de la boue noire. Qu’est ce qui lui arrivait ? Elles semblait avoir complètement ravagé son psyché, vu son air hagard et les veines noires le parcourant.
- Tu… tu es qui ?
Ah, il était encore en capacités de parler visiblement. Et de réfléchir, fait notable vu son degré de corruption. Enfin, elle se doutait bien que c’était Elles qui était derrière tout ça, sinon comment il aurait fait pour se retrouver ici ?
- Nida. Pourquoi t’es là toi ?
- Je suis perdu, je suis perdu…
Oui, ça ça l’étonnait pas trop, personne venait ici, et encore moins de son plein gré.
- Merlin ? Est-ce que ça va ?
A ton avis elle a l’air d’aller bien minus ? Qu’est-ce qu’il avait à s’occuper d’elle ?
- Elle ne te répondra pas, dégage.
Qu’il parte, ça serait mieux pour elles et pour lui. Nida se releva et toisa le petit garçon aux pieds trempés de noir.
- Qu’est-ce qu’elle a ?
- Rien qui ne te concerne.
Qu’est-ce qu’il avait à vouloir les comprendre ? Qu’est-ce qu’il y comprendrait d’ailleurs ? Elle le toisa. C’était vraiment pas le moment de la voir, elle avait d’autres jaguarians à fouetter. Comment elle avait appris cette expression déjà ?
- Pourquoi je suis ici ? Et pourquoi j’ai froid ? Et pourquoi j’ai mal ? Pourquoi j’suis petit ?
Sérieusement ? Un interrogatoire ? Et puis quoi encore ?
- Eh j’ai la réponse à aucune de tes questions, le demi-dieu.
Le petit baissa la tête et sembla fixer ses pieds. Ils étaient si passionnants que ça ? Nida s’accroupit pour se mettre à son niveau et mieux l’observer. Il semblait vraiment complètement paumé. Et ravagé par Elles. Vu ses cheveux et les flèches sur les bras, il était sûrement un descendant de dieu, et sa expliquait la virulence de Elles et sa résistance inhumaine. Mais il était dans un sale état, avec ses yeux cerclés de rouge et les intraveineuses noires qui parcouraient sa peau mate.
- J’voulais juste m’amuser moi…
Elle haussa les sourcils. Il était sérieux ? S’amuser ici ? Nida éclata de rire sous le regard perdu du gamin. Quand elle reprit son souffle, il la fixait toujours, avec ses yeux dégoulinant d’encre.
- A quel moment voulais-tu t’amuser ici ? Il fait tout le temps froid et il n’y a jamais personne.
Juste… moi !
L’idée incongrue qu’un demi-dieu comme lui puisse s’amuser dans cette cage lui arracha un nouveau fou rire.
- Parce que sinon, comment on fait pour pas grandir et s’éloigner du monde des grands ?
Elle se tut et le fixa. Un instant, aperçut sa propre image remplacer son reflet dans l’encre. Il contemplait ses mains, lui rappelant le jour où elle avait découvert Elles.
- Toi… Toi aussi tu te sens seul quand tu ne joues pas ?
Est-ce que lui aussi jouait avec ce qu’il avait ? Est-ce qu’elle avait vraiment trouvé un miroir ?
- Oui. Mais j’ai Oly. C’est ma sœurette. Elle me manque. J’ai peur qu’elle meure tu sais ? C’est ma
moitié.
Silence. Elle aussi elle en avait une de moitié. Mais elles n’avaient jamais été entières.
- Et comment elle fait pour survivre, l’autre moitié, si elle est toute seule ?
Qu’est-ce qu’elle en savait ? Elle avait toujours vécu seule. Et Merlin aussi. La moitié de ce gosse et lui semblaient grandir face à face. Elles, elles avaient toujours été dos à dos. Et ça continuera. C’était comme ça que ça fonctionnait. C’était comme ça que ça devait être. Alors pourquoi lui devait mettre son nez dans ses affaires ?
Elle s’en rappelait, c’était lui qui l’avait interrompue pendant sa partie contre Merlin l’autre fois.
- Pourquoi tu as voulu aider Merlin alors hein ? Je m’amusais juste, moi aussi. Je voulais juste
sortir, et jouer un peu.
- J’aime bien Merlin. Et tu lui faisais du mal.
Lui faire du mal ? Il n’y avait pas pensé à ce moment. Elle voulait juste jouer, juste sortir et s’amuser.
- Mais le jeu ne s’arrête jamais.
Sourire.
- Toute partie à des pions qui se sacrifient, comme aux échaiques.
Nida sourit à son tour. Les échaiques ? Un jeu ?
- Echaiques ? Qu’est-ce que c’est ?
- Tu connais pas ? C’est un jeu très facile à jouer, je peux t’apprendre si tu veux !
Son sourire s’agrandit, en même temps que ses yeux retrouvaient un éclat joueur. Il en allait de même pour le petit garçon.
- Tu pourrais faire hmm… Apparaître un plateau carré avec des carrés noirs qui font un sur deux ?
Attend je te montre…
Sous ses yeux, le garçon sembla manipuler une énergie. Elle semblait plus volatile qu’Elles, son énergie de demi-dieu ?
Pourquoi elle était noire alors ? La corruption était allée jusque-là ou c’était l’espace qui lui donnait cette apparence ? En tous cas, s’il était demi-dieu et qu’il manipulait une énergie divine, ça devait être le bordel dans sa tête, un vrai champ de bataille.
Une minute, ça aurait pu être lui avec son éclair carbonisant tout à l’heure.
Peu importait. Elle se concentra sur la forme que le bleuté faisait apparaitre. Soudain, elle disparut, comme un écran de fumée. Le gamin écarquilla les yeux et entrouvrit la bouche.
- Woaaaaw…
- Hmm je vois ce qu’il te faut, tu m’as l’air de manipuler une énergie toi aussi, non ? Dans mes
souvenirs on s’est déjà battu.
- Peut-être. Bon on joue ?
Il ne perdait pas le nord lui. Nida appela Elles et commença à façonner un plateau de la même forme que ce qu’elle avait vu. Par réflexe, son regard coula rapidement vers son double. Toujours absente. Qu’est-ce qu’elle avait ?
Peu importait, elle allait jouer.
Un minute.
Si elle jouait avec le gosse à côté d’elle, ça risquerait pas de la froisser encore plus ?
Comment il s’appelait déjà ?
Ant ? Ann ? Ang ?
Ang oui c’était ça.
Discrètement, elle créa un voie noir autour de Merlin. Opaque et épais comme il était, ça devrait limiter les dégâts.
Entre temps, elle finit de créer le plateau et les pions. Ils étaient un peu brouillons mais ça devrait aller. Nida s’avança sur l’eau et s’assit. En face, le garçon fit de même. Entre eux, elle demanda à Elles de se retirer pour les laisser mieux voir. Voilà, c’était enfin prêt. Son plateau carré contenant des carrés flottait sur le rouge, les cases qui n’étaient pas noires étaient vides, mais les pions pourraient flotter dessus.
- Bon, j’te montre ?
________________

Tout était saturé. Crépitant. Le monde autour d’elle semblait calme, sans bruit. Elle ne sentait aucune trace de présence à côté, elle était seule.
Alors pourquoi sa vision lui donnait à voir ce qu’elle détestait ?
Petit à petit, la rage s’était calmée. Elle restait sous-jacente, toujours dans son coin, la traversant de sa pointe brûlante quand elle entendait parler Nida.
Nida. Qu’est-ce qu’elle lui voulait ? Elle était vraiment sincère ? Venir lui parler comme ça, elle ne le faisait jamais.
Quoi qu’elle fasse elle ne pourra jamais payer ce qu’elle lui a enlevé.
Soudain, elle sentit une brûlure la traverser. Immédiatement, le bruit revint, la présence à côté d’elle aussi.
Elle entendait leurs voix parler, n’y prêtant pas attention. C’était un garçon qui était entré ? Pourquoi sa voix lui disait quelque chose ?
Qu’importait, elle voulait juste retourner dans le silence. Se calmer, ne plus s’énerver. Sinon quelles en seraient les conséquences ?
Soudain, elle entendit son nom. Une deuxième fois. De la bouche du demi-dieu.
- …Merlin. Et tu lui faisait du mal.
- Mais le jeu ne s’arrête jamais.
Pas cette voix. Tout mais pas cette voix. Merlin serra les dents et ferma les yeux. Elle était seule. Uniquement elle, et elle pensait à de bonnes choses.
Il y avait des gens qui tenaient à elle.
Oui voilà c’était bien ça. Qui tenaient à elle. Tempora par exemple ? Oui. Elle avait voulu la prévenir, elle l’avait aidée à sortir de là. Elle l’avait aidée des années auparavant.
Ang aussi non ? Il l’avait aidée contre Nida, il semblait tenir à elle. La voix du petit garçon s’éleva, semblant presque répondre à cette réflexion.
- Toute partie à des pions qui se sacrifient, comme aux échaiques.
Elle ouvrit brusquement les yeux.
Pardon ?
Ses yeux hagards cherchèrent un peu leur cible mais finirent par la trouver. Un grand sourire enfantin face à celle qui avait tué son enfance.
Un pion ? C’était ça qu’elle était ? Un misérable pion destiné à servir de jouet ?
Et son discours sur la guilde ? Et son action destinée à l’aider ? A quoi ça avait servi hein ?
A jouer avec elle plus tard ? Une fois encore ?
Elle serra encore les dents, tremblante de rage.
Hypocrite.
Le monde disparut autour d’elle. De nouveau seule, dans un cocon noir poisseux, elle sentait les particules glisser, grouiller autour de son épiderme, suivant leur volonté désordonnée.
Peu de temps après, des murmures se firent de plus en plus insistants. On lui demandait de tuer. Tuer celui qui l’avait trahie.
Après tout il ne méritait que ça.
Non. Se calmer. Se calmer avant tout. Ne pas déraper, penser à Tempora.
Hypocrite.
Lui et son sourire, ses mots, son venin aigre doux.
Les particules se serrèrent encore autour de sa peau, brouillant ses sens. Elle était seule dans son cocon, ignorante de ce qui se passait autour.
Elle voulait voir par elle-même. Constater ses mensonges.
- Partez…
Elle les sentit s’agiter encore sur sa peau, mais elles ne la quittaient pas.
- J’ai dit, PARS !
Ça tressaillit avant de lentement quitter sa peau. Petit à petit, elle entendit des voix. Des cris, des rires et des protestations.
- Mamaan, c’est pas juste papa il a mal lancé le dé !
- C’est pas vrai d’abord, tu veux que je relance comme ça on est sûrs ?
La fillette s’enfuit avec le dé pour le montrer à sa mère, dans la pièce à côté, son père la suivit en protestant mollement, plus par principe que par conviction. La femme tourna son regard glacé vers l’enfant, puis l’homme et ria un peu.
- Fais-moi voir ça…
Elle prit le petit objet et l’inspecta sous le regard critique de la fillette.
- Oui, je crois bien que papa l’a ensorcelé.
- Pardon ?
La petite fille se retourna toute fière vers son père, reprenant le dé et le tendant comme un trophée.
- Ah, tu vois ? J’avais raison !
- Mais- cette trahison…
L’enfant étreignit son père.
- C’est pas grave, suffit de pas recommencer la prochaine fois, c’est ce que dit maman !
- Lisa, tu te rends compte que j’ai cinq milles ans et que ma fille de sept ans me donne des leçons ? À cause de toi ?
Nouveau rire.
- Je pense que ton égo s’en remettra, en attendant, rangez votre bazar on va bientôt manger !
Le père et la fille répondirent du tac au tac.
- Oui cheffe !


Les pieds trempés dans la boue noire, Merlin regardait ça de loin. Deux enfants jouer à un jeu. Elle s’accroupit et avisa son reflet dans le lac froid.
Son visage n’avait plus rien de cette époque. Déformé par la rage et la haine, ses traits tordus et tirés par la lassitude. Même son regard, cerné et cerclé de veines noirâtres, ne contenait plus une trace de ce passé. Vide, elle avait la vague impression de voir son fantôme se laisser bercer par la rancœur.
Et à côté, ils riaient. Ses traits se durcirent. Ils n’avaient pas le droit.
Hypocrite.
L’encre autour d’elle remua.
Elle regarda la masse ténébreuse bouger. Quand elle leva la main, elle s’éleva devant elle. Elle dessina un tourbillon avec son doigt, elle tourna dans les airs.
Un sourire déforma encore son visage.
Son doigt pointa vers le petit garçon.
- Hypocrite.
_______________

- Tu triches ! T’as déplacé ton pion pas comme il faut !
Dans un accès de colère, Nida balaya le plateau et les pions dessus. Ça faisait combien de temps qu’ils jouaient ? Elle ne savait pas, elle ne voyait pas le temps passer. Elle avait appris un nouveau jeu, peut être que Merlin pourrait l’apprécier. Et elle commençait à apprécier Ang aussi, un nouveau compagnon de jeu. Pour la première fois elle n’était pas seule dans sa cage.
Le garçon avait esquivé les pièces, mais ne se redressait pas, ses yeux vitreux fixant un point invisible.
- Mer- Nida ? Je… mal.
Non. Non pas maintenant, pas maintenant qu’elle avait trouvé quelqu’un avec qui jouer. Elle observa les particules fines se presser autour du demi-dieu pendant que celui-ci était pris de convulsions. Qu’est-ce que qu’Elles faisait ? C’était quoi cette histoire, pourquoi maintenant ? Ang bascula vers le sol. De ses orbites dégoulinait une encre noire visqueuse, il en allait de même avec ses oreilles, son nez et sa bouche. Les intraveineuses dans son corps prenaient de plus en plus de traces, le recouvrant presque de noir violacé.
- Pars ! Laisse-le en paix !
Pourquoi Elles ne lui obéissait pas ? C’était inhabituel. Nida serra les dents et sans réfléchir se précipita sur le garçon. Ce dernier lâcha un hurlement, les mains sur ses oreilles. Ce dernier lui transperça les tympans avant de finir étouffé par la boue sortant d’entre ses lèvres craquelées. Tout de suite après, il commença à s’agiter, rouler dans Elles, s’enfoncer dans l’encre, tandis que ses orifices crachaient sans discontinuer leur liquide visqueux, noyant son visage dans le noir.
Grimaçant, elle le pris par les épaules et le força à rester immobile. Se rouler dans Elles était la dernière chose à faire, ça ne lui donnait que plus de prises pour s’infiltrer. Elle tenta de lui dire quelques mots qui ne parvinrent sûrement pas à passer la barrière visqueuse sortant de ses oreilles.
- Je veux rentrer à la maison, je veux rentrer à la mais- AAAAAAAAAAAH !!!
Bien sûr. Qui voulait rester ici, dans sa cage rouge à l’espace infini ?
Personne.
Nida déglutit.
- Ang, tu vas rentrer chez toi, retrouver ta moitié, ok ? Attends juste un peu.
Nida releva la tête vers le brouillard noir autour d’eux.
- J’imagine que tu le force à sortir.
Le glissement des particules sur sa peau lui donna sa réponse. Entre temps, le demi-dieu essayait d’arracher sa chemise et de s’asperger de l’encre du lac. Pire idée à avoir.
- Elles vont te renvoyer chez toi Ang, il faut juste que tu tiennes deux minutes encore, ton corps est épuisé, il faut juste que tu tiennes, il faut juste…
Soudain, un dernier hurlement s’éleva, étouffé encore une fois par les gargouillis de sa bouche noyée dans la boue visqueuse. Ang sembla se faire absorber par le lac, laissant Nida face à son plateau renversé.
_____________

Elle n’allait pas le quitter sans lui laisser la possibilité de lui parler quand même. Merlin leur demanda de se retirer un peu de son corps. Son poing s’était desserré. Elle avait quand même réfléchi. Elle détestait Nida. Elle la détestait pour ce qu’elle avait fait. Tout ce qu’elle avait fait. Mais elle avait l’air de se remettre en question non ? Elle ne savait pas comment faire, alors pourquoi pas demander à la seule personne qui n’était pas son double ici ? Lui qui s’y connaissait en beaux discours visiblement. Malgré ça, elle tremblait. De rage, de voir la personne en qui elle avait placé un peu de confiance, qui lui avait menti et n’avait pas hésité à la placer au rang de jouet.
Le garçon était devant elle, immobile, à moitié immergé dans le lac. Le visage dégoulinant d’encre et le regard vide. Derrière lui, elle voyait les particules flotter, elle les sentait attendre.
- Ang ?
- Qu... quoi ?
- Comment on fait pour pardonner à quelqu’un… quelqu’un qui nous a fait du mal ?
- Beaucoup de mal ?
Elle hocha la tête.
- Et... tu veux lui pardonner à cette personne ?
Nouveau hochement de tête.
- Et bien... euh... Il faut laisser du temps. Se dire que cette personne ne voulait pas nous faire du mal ou que ce n’était pas son intention. Je suppose que si c’est le cas, on se considère comme un dommage collatéral et-
‘‘dommage collatéral’’ ?
Son expression se déforma en un sourire crispé, tirant les traits de son visage. Elle releva des yeux fatigués vers le demi-dieu.
Hypocrite.
- Ou bien un pion à sacrifier ?
Il se figea. Qu’est-ce qu’il avait cette fois-ci ?
- Je ne comprends pas. Peut-être, tu sais pour Oly et moi, la vie c’est un jeu. Et on est tous des pions. Et parfois, sans le vouloir, on sacrifie quelqu’un pour avancer. Soit on le voulait, soit non. Et les pions sacrifiés c’est pour faire avancer la partie... Mais tu sais Merlin, je ne sais pas qui t’as fait croire que tu étais un pion à sacrifier, mais il a tort. Tu es gentille et intéressante et forte, on ne sacrifie pas les personnes comme ça –
C’était trop. Sa main tremblante se resserra brusquement sur elle-même, sans une once d’hésitation. Immédiatement, le nuage voletant derrière le garçon fondit sur lui, s’engouffrant par les orbites, noyant sa bouche, ses globes oculaires. Son corps entier semblait fondre sous l’effet de l’encre, les veines prirent de plus en plus de place jusqu’à suinter sur son épiderme fondant sous l’effet de la boue. Petit à petit, le garçon noircit et se transforma en une masse difforme, grésillant, à l’image double se confondant avec le lac, jusqu’à y disparaitre.
Il ne savait pas qui lui avait fait croire ça ? Quel ramassis de conneries. C’était lui-même qui avait dit ça, sous entendant exactement l’inverse de ce qu’il venait de débiter.
Hypocrite.
______________

Ça fait combien de temps que je suis ici ? Une heure ? Deux ? Combien de temps il s’est écoulé dehors ?
Encore noyée dans le rouge, Merlin était allongée par terre. Tout était vide. A l’intérieur comme à l’extérieur. Juste encore cette chaleur remontant dans sa gorge au fil des battements de son cœur. Au fil des minutes, elle fermait les yeux. Elle était lasse de ces histoires. Lasse de sa rage qui ne se calmait pas. Lasse de tout. C’était plus simple avant, quand elle n’avait pas à se soucier de toutes ces entités à l’intérieur d’elle.
Elle finit par fermer complètement les yeux. Le noir se joignit au silence.
______________
La matière sous elle. C’était froid. Froid et…mou ? Merlin ouvrit brusquement les yeux. Devant ses yeux, un plafond reconnu.
- Qu’est-ce-que-
Tout était noir. Mais malgré ça, elle reconnaissait. Forcément, elle reconnaitrait toujours cet endroit. Ce plafond qu’elle avait vu chaque matin jusqu’à ses neuf ans. Ses dents se serrèrent. Qu’est ce que c’était encore que cette merde ? Elle se leva brusquement et donna rageusement un coup dans son ancien lit. Sans s’en rendre compte, elle avait formé à nouveau ses griffes, éventrant l’oreiller et le matelas, tous deux crachant leur rembourrage noir. Elle contempla son œuvre, la rage grimpant encore. En même temps que sa gorge se nouait, elle se retenait de frapper le moindre objet à sa portée. Elle ne voulait plus voir cette maison. Elle ne voulait plus voir les souvenirs qui y étaient associés. Elle ne la verrai plus, même s’il fallait la détruire pierre par pierre. Dans un nouvel accès de rage, elle laissa ses griffes balayer ce qui pouvait être à sa portée. Elle voulait sortir de cette chambre d’enfant le plus vite possible. Non. Elle voulait la détruire. Ça lui ferait tant de bien, de passer ses nerfs, défouler sa haine.
C’était ce qu’elles lui disaient dans sa tête.
Ou c’était elle qui se disait ça ?
Dans un nouvel accès de rage elle planta ses griffes dans le mur et les laissa parcourir sa surface jusqu’à la porte. Une poussière commençait à emplir le lieu, avec des particules noires flottant paisiblement dans l’air ambiant. Elle ouvrit violemment la porte, les pulsions se calmant petit à petit. Merlin descendit doucement les escaliers grinçant, laissant trainer ses griffes le long du mur. Elle finit par s’arrêter devant une table. Trois chaises vides et une pièce déserte.
Sa gorge se noua.

La fillette aidait son père à ranger le bazar en tout genre qu’ils avaient laissé trainer sur la table en ignorant les remontrance de sa mère.

Elle ne voulait pas les voir.

Tout ce qu’elle voyait se résumait au bord abimé de la table. Elle comptait les rainures, les égratignures et les imperfections du bois. Dans ses oreilles, le ton désapprobateur de ses parents.

Elle ne voulait pas les entendre.

Elle sentait la chaleur des bras entourer ses épaules. Ses oreilles s’abreuvaient des histoires fantastiques et de la voix conteuse de son père, tentant de deviner dans ses yeux vermeil la suite de l’histoire.

Taisez-vous.

La table et les chaises renversées, elle tremblait. Elle sentait la fureur émaner de son être. Chaque mot qui sortait de sa bouche avant si calme avait l’effet d’un poing.
- Dégage ! Sors de cette maison avant que je ne te tue !


Un hurlement lui arracha les cordes vocales. Les larmes avaient brouillé sa vision et sillonnaient ses joues. Elle balaya les meubles, comme s’ils n’étaient que poussière, et se tut. Il n’y avait rien. Juste son silence et les images dans sa tête. Elle ne voulait plus entendre tout ça, elle ne voulait plus les voir, ces silhouettes disparues. Un nouveau hurlement sortit de sa bouche, pendant qu’elle couvrait ses yeux de ses mains. Peut-être que sa couvrirait le bruit, peut être que ça arrêterait tout ça. Le cri fut ravalé par ses sanglots. Merlin se recroquevilla tremblante sur le sol, les yeux toujours cachés par ses mains. Elle sentait ses griffes s’enfoncer dans sa propre peau avant de glisser et libérer son visage. Maintenant, sa vision était obstruée par les gouttes de sang venant se mélanger à ses larmes. La jeune femme ferma de nouveau les yeux, n’entendant que ses sanglots en guise de compagnie.
_______________
Une décharge parcourut son corps.
Merlin se releva en toussant et avisa la responsable de son réveil forcé. Identique à Ang en tout point, mais semblant différente de lui, ça devait être Oly. Elle eu un rire nerveux et s’allongea à côté d’elle. Qu’est-ce qu’elle lui voulait ? Pourquoi elle était ici ? Comment d’abord ?
- Alors, de retour ? J’m’appelle Oly Vogel. On a jamais vraiment été trop présentée, mais ravie de faire ta connaissance. J’peux savoir pourquoi l’entièreté de mon corps brûle et que j’ai l’impression d’être passée sous un troupeau de Kot-k-
Elle fut prise d’une quinte de toux, la forçant à se plier en deux. Merlin la regarda lasse et avisa les particules noires flottant autour. Qu’est-ce qu’ils avaient à venir dans un endroit où tout voulait leur mort ces deux-là ?
- L’air est toxique ici… Du moins pour toi. Tu es une étrangère pour elles.
- Elles ?
Elle désigna d’un geste vague ce qui se trouvait autour. Oly baignait dans du poison.
- Oh.
Silence.
- Crottes.
C’était le cas de le dire.
- C’est ta maison ici ?
Pas de réponse. Elle ne voulait pas répondre. Elle ne voulait pas aborder ce sujet tout court en fait.
- Hein ?
- Ici, c’est chez toi ? Cette maison.
Elle insistait en plus. Merlin baissa les yeux, ignorant le décor pourri de ses souvenirs.
- Quelle maison… ?
Elle ne voulait pas se concentrer dessus, elle ne voulait pas y penser. Ou les pleurs reviendraient.
- Bah là où on est !
Merlin enfouit sa tête entre ses genoux et ne répondit rien. Elle n’avait pas envie. Au bout de quelques secondes, Oly se tourna vers elle. Elle ne semblait pas capable de tenir dix secondes sans rien faire.
- Ang a besoin de toi. Pourquoi tu ne reviens pas ?
Ses muscles se crispèrent tandis qu’elle les sentait courir de sa cheville vers son visage. Pourquoi elle avait dû le mentionner ? Son corps fut secoué de sanglots étouffés tant bien que mal alors que la rage qui l’avait parcourue face à lui refaisait surface. Jetant un regard à la demi-déesse, elle ne put s’empêcher de voir son frère à sa place. Le nuage autour d’elle grossit, alors que les toiles tombaient lentement de leur perchoir.
- Ne me parle pas de lui. Parle-moi encore de lui et je te tue.
Une pression dans sa main, comme tout à l’heure. Une pression et elle n’en entendrait plus jamais parler.
- Ah ouais, c’est vrai que tu m’effraie énormément actuellement, surtout avec la bave qui recouvre tes cheveux. C’est quoi ça, c’est la même morve qui recouvre les racines ?
Merlin prit un brusque recul sur la situation. Qu’est-ce qu’elle allait faire ? Depuis quand elle était prête à aller aussi loin pour faire taire ce qui la contrariait ? Elle ordonna silencieusement au particules de se disperser. Bien sûr, elle protestèrent. Les voix emplirent de nouveau sa tête.
- Tais-toi.
Elles s’arrêtèrent après quelques secondes de réticence, comprenant que Merlin ne lâcherait pas. Elle ferma les yeux et souffla.
- Pourquoi tu le déteste autant, mon frère ?
Un sourire las glissa sur ses lèvres.
- Je ne suis qu’un simple pion à sacrifier. Demande à ton frère l’hypocrite, il t’expliquera ce que ça signifie.
- Ang n’aurait jamais dit ça de toi. Il t’aime bien, il ne ferait pas ça, je le sais et je le sens.
Et alors ? Est-ce que ça changeait quoi que ce soit de ce qu’elle avait entendu ? Non.
- Honnêtement… Je n’en ai rien à foutre.
Elle sentit la demi-déesse se rapprocher un peu d’elle.
- Je comprends ce que tu ressens, toute la colère envers tout et tout le monde. Particulièrement les quelques personnes qui nous sont proches, parce que ce sont les seuls à se mouiller. Et encore plus, la colère contre soi-même, qui que tu sois. Crois-moi je comprends vraiment. Et Ang aussi. Mais mon jumeau tient vraiment à toi, tu ne devrais pas laisser filer ça.
Laisser filer quoi ? Tout ce à quoi elle s’était attachée était parti. Dans le sang ou les larmes. Elle rouvrit les yeux, sur son plafond. Elle était en colère oui. Elle avait touché un point juste.
- Tout le monde part, dans tous les cas. Fous moi la paix.
Sans prévenir, Oly commença à parler. De sa vie, depuis qu’elle était enfant jusqu’à sa trahison, de tout et de rien. Le prénom de son frère revenait à chaque phrase. Pour tout ce qu’il avait fait pour elle. Sans qu’elle ne puisse rien contrôler, des larmes se mirent à couler de nouveau. La demi-déesse entremêla ses doigts aux sien. Pour la première fois depuis qu’elle était ici, elle ressentait de la chaleur. Elle serra cette source de chaleur autant qu’elle le pouvait et referma les yeux, sentant toujours les larmes couler sur ses joues. Quand le silence revint, il ne faisait plus peur. Il n’était plus aussi glacial. Petit à petit, elle sentait la chaleur monter. Pas en elle, mais au niveau de sa main. Au bout de cinq pauvres minutes, ça brûlait. Sentant des cloques se former sur sa peau, elle rouvrit les yeux en grimaçant. L’autre main, brûlante, l’enserrait, accentuant encore la douleur. Elle entendit une toux en même temps qu’elle la sentait s’agiter de plus en plus. Merlin tourna sa tête vers l’intruse et vit une lueur bleutée émaner de celle-ci. Un fin filament bleu traversait le noir et le rouge, prenant source au niveau de sa poitrine.
- Oly… ?
- O- Oui ?
- Tu brûles. Tu brûles.
Regardant impuissemment Oly se tordre de douleur, elle ne put qu’accentuer la pression sur sa main. Malgré les brulures.
- Je- je dois y aller. Je reviendrai dès que possible mais-
Elle fut de nouveau interrompue par une quinte de toux. Esquissant un sourire triste, Merlin murmura.
- Tu ne reviendras pas ici, ce n’est bon ni pour toi, ni pour moi.
Des veines bleues s’étendirent sur sa peau, la faisant lentement fondre sur elle-même. Bientôt, plus une trace ne subsistait. La brûlure s’était étendue dans son bras. Merlin avisa celui-ci, constatant que malgré les cloques, on pouvait distinguer des veines d’une faible couleur bleutée.
________________
Elle ressassait ce que lui avaient dit les jumeaux. Un dommage collatéral.
Soupirant, Merlin haussa la voix. Elle ne voyait que du rouge depuis un moment. Ses rétines saturaient.
- Nida !
- Mmh ?
La voix venait de juste derrière son épaule. Sursautant et se retournant, Merlin lança un regard surpris vers la concernée. Elle éclata de rire.
- Tu devrais voir ta tête, c’est hilarant !
- Qu’estufous derrière moi ?
Elle baissa la tête et s’ébouriffa les cheveux.
- Mmh… J’regarde. J’suis inquiète.
Un silence s’étira dans lequel Nida semblait de plus en pu inconfortable.
- Enfin j’m’inquiète je crois. J’sais pas moi. Et euuuuh… Désolée… Je crois. Je sais pas trop comment on fait et tout et euuuh…
Après quelques marmonnements, elle s’assit en croisant les bras et les jambes.
- J’sais pas vraiment ce ça fait d’être à ta place, mais je voulais pas te faire mal. ‘Fin si mais pour jouer et ensuite on se soigne. Donc pas mal de cette façon…
Merlin restait interloquée. Elle avait vraiment le comportement d’un enfant qui s’en voulait.
- Je-
Elle inspira.
- Je pourrai pas oublier ce que tu as fait. Maintenant, je sais que j’arriverai pas à te pardonner.
- Dans le futur alors ?
Merlin haussa les épaules. Elle n’en savait rien. Elle avait encore besoin de temps.
- On peut jouer alors ?
- On se calme. J’ai pas envie de jouer.
-Hmf.

Mal.
Ses rétines se sentaient agressées par le surplus de couleur qu’elles subissaient. Tout avait brusquement tourné au noir avant de revenir dans un monde en couleurs. Elle distinguait du mouvement, des silhouettes. On criait son nom.
- M-
Une quinte de toux la pris, avant d’être elle-même étouffée par le liquide noyant sa gorge et sa bouche. Elle tenta de se recroqueviller, sentant son corps trembler et crachotante. Elle tenta de respirer, mais ses poumons n’étaient pas de cet avis. Ça brûlait dans sa cage thoracique, ça s’étendait dans ses organes, dans ses bras et jambes.
- Mal-
Tentant de prendre de grandes bouffées d’air, elle fut très vite arrêtée par ses crachotements et ses poumons. Pourquoi elle ne pouvait même pas bouger le petit doigt ?
Ça faisait trop mal, tout, même rester immobile.
- Arrêt-
Qui parlait ? Elle distinguait des cheveux blonds.
- Enlev- ça- v- tue-
Qu’est-ce que ça disait ?
Sa gorge était encombrée, elle tenta de tousser pour dégager. Elle sentit du métal racler contre sa gorge et sa bouche et sortir. Chaque respiration faisait l’effet d’une pointe brûlante qu’on enfonçait soigneusement dans chacune de ses cellules. L’air entrant dans ses poumons lui donnait la sensation de griffes traversant sa gorge jusqu’entre ses côtes.
Elle sentit du contact sur son bras, ses nerfs s’enflammant.
Non.
Mal.
Elle tenta de se dégager de cette emprise, mais son corps refusait toujours d’obéir.
Un poids contre son poignet se retira.
Les couleurs disparurent de nouveau.
La douleur avec.
Elle était de nouveau noyée dans le rouge, recroquevillée dans l’espoir d’apaiser les échos de la douleur.
Il n’y avait plus aucun bruir, plus un mouvement. Il faisait juste froid.
- Y a quelqu’un ?
Sa voix cassée résonna dans le lieu sans fin.
- Oh salut, t’es de retour. Le temps va être long tu sais ?
- …
- Tu es sûre que tu veux pas jouer ? Je connais un jeu ou on a pas mal, les échaiques.
Elle voulait que le froid et la douleur disparaissent, juste cette fois, elle voulait céder.
- Les échaiques ?
- Tu connais pas ? C’est un jeu très facile à jouer, je peux t’apprendre si tu veux !

Rob

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